L’information du bazar

De temps en temps nous nous permettons de reproduire cetains articles du Web (sous licence libre !) que nous trouvons particulièrement intéressant et proche de notre problématique de démocratisation du Libre.

Et ici on est en plein dedans ! Nous pensons en effet, à l’image du mouvement "Critical Mass" pour le vélo, que lorsque la communauté sera assez nombreuse et influente, la "bascule" se fera (presque) naturellement. Mais comme on n’y est pas encore, toute initiative de ce type est la bienvenue !

Si vous lisez ceci, c’est que vous êtes vraisemblablement un utilisateur convaincu de logiciels libres. Nul besoin donc de vous faire un dessin. Le milieu de l’informatique grand public est aujourd’hui sous le joug d’une situation monopolistique d’une grande société. Monopole est en effet le terme approprié car 99% des utilisateurs ne savent même pas qu’il existe une alternative à la solution de cette société. En tant qu’utilisateurs de logiciels libres, c’est à nous qu’incombe la tâche de combattre cette désinformation.

Chaque jour, nous utilisons des logiciels libres et nous en profitons. Les développeurs de ces logiciels libres n’ont pas les moyens financiers de lancer de vastes campagnes marketing ou de rencontrer des chefs d’états. C’est donc de notre devoir d’utilisateur de faire connaître et de promouvoir le logiciel libre auprès de tous les utilisateurs d’informatique, quels qu’ils soient.

Nombreux sont ceux d’entre nous qui s’investissent dans cette tâche en organisant ponctuellement des "install party", des soirées d’informations et des conférences, en créant des sites webs. Ces efforts sont louables et doivent être continués. Malheureusement, de par leur nature ils touchent surtout un public déjà interressé si pas déjà conquis à la cause. Nous devons donc coordonner nos efforts pour faire parvenir notre information au grand public. Pour ce faire nous disposons de deux moyens :

  • La communication de masse
  • Le bouche-à-oreille (c’est comme un peer-to-peer mais physiquement)

La communication de masse peut-être envisagée de diverses manières. Nous devons organiser des actions ponctuelles, comme le projet de Spot Radio pour le logiciel libre ( http://spot.doublehp.org/wiki/ ), dans la mesure de nos moyens. Nous devons aussi contacter les journalistes susceptibles de diffuser notre information dans les médias grands publics. Si ce dernier domaine est déjà très bien pris en charge par l’AFUL (www.aful.org) et l’APRIL (www.april.org), il ne faut pas négliger l’aspect personnel d’un contact avec un journaliste. Nous ne devons donc pas hésiter de parler des logiciels libres aux éventuels journalistes de notre entourage.

En ce qui concerne le bouche-à-oreille, c’est certainement l’arme informative la plus puissante que nous possédons. Malheureusement cette arme peut aussi servir la désinformation générale. On remarque si certains parlent à tout bout de champs à tout le monde des logiciels libres, avec force détails techniques, d’autres préfèrent en parler très peu, citant parfois quelques détails. Au milieu de ce brouhaha, les personnes non-interressées par l’informatique entendent souvent qu’un flot d’informations confuses voire contradictoires. Nous allons donc essayer d’établir certains conseils de base afin d’aider à la propagation du logiciel libre.

L’approche que nous pratiquons parait sectaire. Et bien, avouons le franchement, elle l’est ! En effet, mes biens chers frères, nous voilà dispersés afin de propager la bonne parole ! Ca a de quoi inquiéter. Défendons-nous de suite : nous ne faisons qu’utiliser les moyens dont nous disposons afin de faire passer l’information, à savoir une multitude de passionnés. Et peut-être faut-il y voir aussi une des beautés du logiciel libre dans le fait qu’on apprenne l’existence d’un nouveau logiciel par un ami plutôt que par une blafarde affiche géante placardée à un carrefour. Le logiciel libre se propose donc de renouer avec la base ce que le logiciel propriétaire ne fait qu’avec les dirigeants : le contact humain.

C’est pour sauver ce contact humain et nos libertés que nous devons promouvoir de toutes nos forces le logiciel libre, que nous soyons des grands gourous ou simples utilisateurs, de caractère expansif ou timides. Alors, lâchons-nous...

CONSEIL 0 (primordial)

Dire la vérité, toujours la vérité. Nous ne sommes pas des vendeurs, notre but est d’informer. Notre premier devoir est donc de dire la vérité. Ainsi, inutile de dire que Linux ne plante jamais, ce n’est pas vrai. Toujours mettre en garde clairement : dans le logiciel libre aussi existent bugs, plantages, failles de sécurité, pirates et sombres imbéciles qui croient tout savoir en donnant des conseils bidons.

CONSEIL 1

Ne jamais imposer. Chaque homme a le droit d’avoir un avis différent du nôtre. Notre but est un but d’information, pas de conversion. Contentons-nous de présenter les solutions libres, voire de les faire essayer à notre interlocuteur mais sans jamais lui imposer. Après tout l’informatique libre, c’est avant tout le choix. Toujours mettre en avant ce point : démonstration n’est pas imposition.

CONSEIL 2

N’installons jamais des logiciels libres de notre propre initiative. Attendons toujours que la personne soit demandeuse. Dans le cas contraire, nous nous mettrions dans une situation de responsabilité. Ainsi, il ne faut jamais dire "Je t’installe Linux demain, tu vas voir c’est chouette", mais plutôt "Si tu désires installer Linux, je suis prêt à t’aider". Toujours être sûr que la personne a le *désir* d’effectuer l’action. Souvenons-nous que ce n’est pas notre ordinateur.

CONSEIL 3

Nous ne sommes pas le support technique des logiciels propriétaires. Il faut parfois savoir jouer de mauvaise foi : "Tu as un problème avec MsWord ? Désolé, je n’utilise pas ce logiciel. Vu le prix qu’il t’a couté, tu devrais pourtant avoir un support, non ?". Mais il faut toujours conclure par une note positive : "Si tu veux, je peux t’installer à la place de MsWord un logiciel libre d’au moins aussi bonne qualité, qui te garantira une compatibilité certaine, qui est gratuit et que moi j’utilise et donc avec lequel je pourrai t’aider à résoudre tes problèmes. Et si tu veux, je t’installerai aussi un bien meilleur navigateur internet". Mauvaise foi ? Avouons le franchement, oui ! Mais les sociétés de logiciels propriétaires ne font-elle jamais preuve de mauvaise foi ?

CONSEIL 4

Ne jamais imposer une longue discussion sur les logiciels libres ou une démonstration à tout prix. Préférons toujours ne pas en dire assez mais en aiguisant la curiosité de notre interlocuteur. Ainsi, préférons dire "Je vais t’installer un logiciel libre. C’est vraiment un super principe mais c’est un peu long à t’expliquer" plutôt que de réciter directement la GPL. Si notre interlocuteur est interressé, il nous demandera lui-même de poursuivre. Ne jamais hésiter à interrompre une longue explication par un "bon, c’est un peu long, je vais pas t’embêter avec ça".

CONSEIL 5

La majorité des utilisateurs ne connaissent rien à l’informatique et ne *veulent pas* y connaitre. C’est un choix que nous devons respecter. Nous ne devons donc jamais nous lancer dans une explication technique sans demande expresse de l’interlocuteur. Nous devons parfois faire des approximations grossières et qui font bondir ! Oui, Linux est un système d’exploitation ! Inutile d’embrouiller encore plus la chose avec des notions hermétiques de noyau, code source, packages... De plus, n’oublions pas d’utiliser un vocabulaire courant : distributions, serveur, interpréteur de commande, console, gestionnaire de fenêtre, ne font pas partie du vocabulaire courant.

CONSEIL 6

Les systèmes libres offrent souvent bien plus de choix. Contrairement à ce que nous pouvons penser dans notre esprit libriste, nous devons garder en tête que pour un utilisateur moyen ce choix est terriblement handicapant car il suppose une responsabilité. Nous devons donc pouvoir faire les choix à la place des autres. Par exemple, lors d’une installation Linux à un ami, inutile de discourir pendant deux heures sur les qualités de Gnome et KDE. Choisissons ce qu’il nous semble qui conviendra le mieux suivant notre expérience. Si le public est attentif, glissons juste un "Linux permet de choisir entre plusieurs interfaces. Je t’ai installé une qui s’appelle KDE. Si un jour tu veux essayer autre chose, tu m’appelles".

CONSEIL 7

Gardons les trolls (polémiques) au vestiaire. GNU/Linux ou Linux, c’est la même chose pour l’utilisateur ! KDE et Gnome, c’est aussi bien, juste différent. Gardons toujours en tête qu’il ne s’agit pas de notre ordinateur. Essayons donc de choisir ce que nous pensons qui conviendra le mieux à la personne. Libre à elle ensuite de changer. S’embarquer dans de longues comparaisons ne peut qu’effrayer quelqu’un, surtout dans une langue incompréhensible. N’oublions pas que cela fait déjà beaucoup de nouveautés en une fois et que la personne apprendra la différence entre GNU/Linux et Linux plus tard.

CONSEIL 8

Chaque personne qui passe au logiciel libre a besoin d’être soutenue. Répondons donc aux petits problèmes quotidiens avec le sourire. Si on est pressé, plutôt que de ne rien répondre, préférons toujours donner l’adresse d’un site web ou d’un forum où "Là tu trouveras peut-être ta réponse". La personne n’en sera que plus fière d’avoir résolu le problème sans notre aide. C’est un vrai plaisir de voir un nouvel utilisateur de logiciel libre arriver avec un grand sourire en disant : "J’ai réussi à configurer ça comme je voulais !".

CONSEIL 9

Chaque petit pas vers le libre est une victoire. Pour ceux qui n’y connaissent rien à l’informatique et qui disent "C’est très bien ton truc, mais c’est réservé à ceux qui s’y connaissent." ou "Moi j’installe pas de programmes à cause des virus", n’hésitons pas à leur installer, par exemple Mozilla et à leur montrer le fonctionnement des onglets. Ne pas oublier non plus d’installer les plugins adéquats sous peine de nous entendre dire : "Mozilla c’est très bien mais ça lit pas le flash de macromedia".

CONSEIL 10

Il ne faut jamais perdre une occasion de glisser du logiciels libres dans les conversations informatiques. Essayons toujours de susciter des questions. Au démarage d’un ordinateur, par exemple, s’exclamer "Ah, c’est cet OS là !". Généralement, c’est vite suivi d’un "Ben oui, il existe autre chose ?". Les exemples sont nombreux et doivent être utilisés à outrance : "Quoi ? Ton traitement de texte ne lit pas les formats standards ?" ou "Bavarder/Clavarder en ligne ? Bien sûr, c’est quoi ton adresse Jabber ?". Ces phrases n’ont pas toujours un effet immédiat. La patience est donc de mise. Mais, la machine est en branle : lorsque trois personnes lui auront demandé son adresse Jabber ou auront pesté contre les fenêtres jaillissantes (popups) dans son navigateur internet, notre interlocuteur finira bien par se poser quelques questions. Attention cependant à ne pas faire de même avec les conversations non-informatiques, sinon vous risqueriez de perdre les derniers copains qui vous supportent encore malgré les 10 points précédents.

CONSEIL 11 Enfin (Mais pas la fin ! )

Tout simplement écouter. Notre interlocuteur n’a peut-être pas nos compétences en informatique, mais son approche est certainement interressante. Sa manière de raisonner est justement ce qu’on n’avait pas pu imaginer. Nous devons donc avant tout écouter, laisser les autres s’exprimer. Beaucoup de monde a des idées reçues que nous n’imaginons même pas. Le seul moyen de mettre fin à ces préjugés, c’est avant tout de les laisser s’exprimer. "Comment imagines-tu Linux ? Que crois-tu que c’est Linux" est la première question à poser à toute personne interressée par Linux. On serait étonné de savoir le nombre de professionnels qui croient que Linux n’a pas d’interface graphique.

CONTENU

Avec tous ces conseils, il faut encore du contenu. Dans le contenu, il faut absolument favoriser le coté positif des choses. Ne pas présentez le logiciel libre comme la seule alternative à l’enfer absolu. Présentons plutôt la créativité des logiciels libres, leur interopérabilité, etc...

Il faut néanmoins informer les gens de choses très importantes qu’ils ne savent pas :

  • Leur système d’exploitation a été payé dans le prix de leur ordinateur ! Bien insister sur ce fait. Peu de gens le savent, et économiser 100 euros est un argument des plus percutants dans la société actuelle.
  • Parler, en termes non-techniques, des formats de fichiers. Toujours signaler que, par exemple, un fichier .doc peut contenir des informations confidentielles sans que l’auteur ne le sache ! Refusons systématiquement les documents envoyés dans un format propriétaire en l’accompagnant d’un bref mot d’explication courtois.
  • Parler des projets de contrôle de l’information (TCPA/Palladium)

Le but n’est pas de faire peur aux gens mais bien de les informer sur un sujet qui est bien plus sensible qu’on ne le croit. Toujours bien distinguer les discussions sur le contenu des discussions techniques. Par exemple, TCPA n’a rien à voir avec une installation Linux. N’oublions jamais que nous nous adressons à quelqu’un qui découvre un tout nouveau domaine. Un surplus d’informations ne peut qu’embrouiller les choses : l’information est vitale mais un surplus d’informations nuit.

CONCLUSION

Il faut se rendre compte que devant la puissance incroyable des multinationales, l’enjeu des logiciels dépasse le cadre de l’informatique pure. Nous devons donc lutter de toutes nos forces car cela concerne nos libertés les plus fondamentales. Combien de personnes n’ont jamais entendu parler de Linux alors qu’elles voient des Linuxiens tous les jours ? Combien de personnes pensent qu’il n’existe qu’un seul navigateur internet ?
C’est contre cela que nous devons lutter. Et si ces personnes n’ont pas le désir de comprendre quoi que ce soit à l’informatique nous devons respecter ce désir et mettre nous même l’informatique libre à leur portée.

Pour les défaitistes qui considèrent que cela ne sert à rien, donnons tout simplement le principe du poste à poste (peer-to-peer). Les logiciels de partage se répandent, sans publicité, comme une trainée de poudre. Et il est inutile de dire que d’autres s’en chargeront, que nous sommes assez pour cela. En effet, seul le nombre permettra de convaincre les gens. Seule la répétition des concepts et la banalisation du libre pourra lui permettre de prendre un essor considérable dans le grand public. Un essor qu’il prendra, grâce à nous tous, très bientôt...

Et de toutes façons, c’est bien la moindre des choses que nous puissions faire pour remercier les artisans du libre de leur extraordinaire travail.

Ploum
ploum AT mitose.net
30-31/05/2003
Ce texte est placé sous Licence Libre. Vous êtes libre de le modifier et de le redistribuer à conditions que vous accordiez les mêmes droits.

Commentaires

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:: question :: précision :: avis :: commentaire :: bug ::

> L’information du bazar , le 11 novembre 2005 (0 rép.)

’Dire la vérité, toujours la vérité. Nous ne sommes pas des vendeurs, notre but est d’informer.,’

Un vendeur dit toujours la vérité, ce n’est que son langage positif qui influence son interlocuteur. Un bonimenteur qui dit des mensonges est un escroc.

Sinon les conseils sont bons.

Christian.

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> "L’information du bazar" WowV.2 , le 21 février 2004 par Frances (0 rép.)

Toutes ces années que je promène dans des forums internet...

C’est la première fois que je rencontre une aussi fine approche psychologique dans le domaine de l’informatique...

C’est quelque chose qui manque cruellement dans tout ce Bazz-hard.

Merci.

Tant qu’à faire, je commanderais bien un autre miracle :

Ce serait un genre de console portable gnu-linuxienne un peu comme le nitendo où les enfants (ou les nuls-en-tics) pourraient accéder à l’internet. Une petite bête de partage d’informations en total-multimédia-libre.

Les surdoués-en-tics pourraient déconstruire et reconstruire... Et les machines et les programmes ! Vive la libre entreprise libre...

Quant à nous les éducateurs, et bin... ce sont toujours les mêmes humains...

J’imagine d’ici mes chers apprenti(e)s :

- Ça marche pas, bon !

- Hum, peut-être faudrait-il charger la pile ?

-  ? !!!

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> "L’information du bazar" (troll) , le 14 janvier 2004 par Gabriel Kerneis (0 rép.)

"Linux permet de choisir entre plusieurs interfaces. Je t’ai installé une qui s’appelle KDE. Si un jour tu veux essayer autre chose, tu m’appelles"

Et pourquoi KDE, hein ? Il faut avoir pitié du débutant : installez Gnome !

Excellent article par ailleurs. Félicitations.

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> "L’information du bazar" , le 7 juin 2003 par Ploum (1 rép.)

Waw ! Quel honneur pour moi d’être publié sur framasoft :)

-----> FriWikiWiki

> "L’information du bazar" , le 9 juin 2003 par Moi c’qu’j’en dis

Bravo pour cette initiative alors puisque c’est vous l’auteur.

L’une des difficultés se situe au niveau de la compréhension.

Car lorsque votre interlocuteur vous comprend il y a toutes les chances qu’il adhère déjà aux logiciels libres !

C’est un peu paradoxal en fait.

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